Très vite, donc, en moins de cinq années, Dieudonné va donc
passer de la gauche, voire de l’extrême gauche, avec ses supporters
« libertaires » qui ont créé le site des « Ogres », à des propos
virulents visant les juifs principalement. Ses propos sont alors assez
confus, mélangeant son soutien aux palestiniens, alors en proie aux
agressions israéliennes, au judaïsme en général, pour lequel il va
déployer une haine de moins en moins dissimulable. Il n’y a pas de
raison propre à cette évolution, à part ses ennuis financiers, qu’il
lie, comme on pouvait le faire dabs l’entre deux guerres à une pseudo
mainmise juive de la banque dans le monde. Dieudonné n’a pas apprécié se
voir refusé son projet commercial, et il le fait savoir de plus en plus
en rejetant la faute sur une seule catégorie d’individus. Or son
comportement personnel démontre un goût certains pour l’argent, dont la
gestion se révélera catastrophique, le comédien se retrouvant très vite à
tenter de contourner le fisc, ce que son public, bien entendu ignore
totalement alors qu’il l’imagine intègre. Comment-a-t-il pu aussi vite
glisser sur cette pente savonneuse demeure un mystère derrière lequel
son entourage proche va beaucoup jouer. En moins de cinq ans, tous ses
proches collaborateurs deviennent étiquetables comme antisémites. Le
délire Dieudonné, déjà, se nourrit lui-même. Il ne va faire qu’empirer.
Acteur reconnu et bateleur aux déclarations incontrôlées

Dieudonné, dès
1997, s’est en effet lancé dans un pari un peu fou : celui de
reprendre une salle de spectacles pour y jouer ses shows, dont « Pardon
Judas ! » dont la tournée en France s’annonçait plutôt hasardeuse. La
salle s’appelait le « Théâtre de la Main D’Or » (le nom d’une ancienne
auberge), et c’était donc ce qu’il avait décidé de faire avant son
projet de ferme en Eure et Loir. Or c’était un pari risqué. Dieudonné
étant aussi acteur de cinéma, il ne pouvait tenir la vedette de la salle
toute l’année et il lui fallait partir ensuite en tournée vers de plus
grandes salles, celle de la Main d’Or lui servant alors à rôder ses
shows. Et ce, alors qu’il sortait d’un rôle plutôt réussi, dans le film
« Voyance et maningance » d’Eric Fourniols, ou il jouait le rôle d’un
médium véreux plutôt réussi (1). Un pari qui bat très vite de l’aile,
car Dieudonné, dans le magazine Lyon capitale, vient alors de faire sa
toute première déclaration polémique, en affirmant devant des
journalistes fort étonnés »
qu’Abraham.
“Le
peuple élu”, c’est le début du racisme. Les musulmans aujourd’hui
renvoient la réponse du berger à la bergère. Juifs et musulmans pour
moi, ça n’existe pas. Donc antisémite n’existe pas parce que juif
n’existe pas » (on notera l’inversion pratique).
« Ce sont deux
notions aussi stupides l’une que l’autre. Personne n’est juif ou alors
tout le monde. Je ne comprends rien à cette histoire. Pour moi, les
juifs, c’est une secte, une escroquerie. C’est une des plus graves parce
que c’est la première. Certains musulmans prennent la même voie en
ranimant des concepts comme “la guerre sainte”. Cela avait tout de
suite créé bien sûr le scandale, provoquant l’annulation de certaines
dates de tournée dans l’hexagone… et obligeant l’acteur à se replier sur
sa salle fétiche. Retour à la case départ, avec pas mal d’ennuis
financiers à la clé avec ce manque à gagner évident. Car il venait
d’essuyer des refus à la présentation de son show très controversé, le
second seulement de sa carrière en solo. Pour ces propos, il sera
reconnu coupable d’injure raciale (en cassation), l’homme étant
particulièrement tenace !). Le début d’une longue carrière dans le
genre. Son meilleur rôle, à coup sûr, avec le recul des années. Un rôle…
suicidaire. Quelle mouche a bien pu le piquer, c’est ce que tout le
monde se demande.
La duplicité fondamentale du personnage
On le croit calmé par l’annonce d’un procés. C’est l’inverse qui se
produit. Chez Ardisson, à la télévision, le 23 mars 2002, il récidive,
renvoyant toutes les religions dos à dos, parlant d’humanité «
une et indivisible« et évoque alors «

« .
Son propos, plutôt confus, est que les juifs sont en quelque sorte
sur-représentés dans ce monde (et la Shoah avec) : exactement le thème
développé par les négationnistes déjà cités, dont Monder Sfar et qu’il a
donc obligatoirement lu. Il se présente aussi déjà en victime,
déclarant que désormais il aurait du mal à faire des films en raison
d’un «
lobby« , sous entendu, un lobby juif bien sûr. Dès 2002,
sa théorie est en place, et il n’en démordra plus. Dans son spectacle,
pourtant, il terminera en affirmant que « Ma seule religion, c’est la
charte des Droits de l’Homme. »… Visiblement, Dieudonné à deux discours,
constamment : cette charte interdit en effet «
toute distinction » entre individus, dont notamment…

la
« distinction de religion ». Manifestement ce que ne fait pas Dieudonné
lorsqu’il parle des juifs ! L’homme au deux visages, voilà ce qu’il est
déjà : un homme de one-man show talentueux, dans l’air du temps,
certes, mais qui s’enfère déjà dans des propos dignes d’une tout autre
époque. Celle où l’on riait à l’exposition de nez crochus où celle ou
les affiches montraient des pieuvres tentaculaires (celles des « la
finance juive »). On retrouvera ces thèmes éculés du passé chez des gens
de l’entourage de Dieudonné, comme nous le verrons un peu plus loin…
Des gens qui seront là en mauvais génies pour renforcer ses pénibles
certitudes, qui ne semblaient pas avoir besoin de beaucoup être arrosées
pour pouvoir germer aussi vite.
L’argent : son problème essentiel

En
fait, Dieudonné, dès cette période, a des problèmes plus terre à terre.
La salle, dont il n’est pas propriétaire mais seulement le « gérant »
lui coûte, à faire fonctionner. Quand il ne fait pas de spectacle,
accaparé par la politique, l’argent ne rentre pas. Un document en
provenance du Parisien chiffrera sa location à 2000 euros/jour, ce que
révèle facture la société de Dieudonné (on verra plus tard à qui). Si on
divise par deux pour aboutir à une idée du coût de fonctionnement sans
bénéfices, cela revient à plus de 300 000 euros par an pour la maintenir
en fonctionnement, ce à quoi il faut ajouter son personnel d’entretien,
son loyer et le paiement des taxes et impôts. Or c’est une petite
salle, qui ne peut dépasser 250 places. Les spectacles de Dieudonné
étant proposés en moyenne à 30-35 euros, il faut environ à 200 personnes
y jouer cinquante jours jours d’affilée pour assurer ses frais, et le
double pour payer des salaires ou le sien. Ce qui avec son absence lors
de tournage ou d’escapades en meetings politique devient la quadrature
du cercle, financièrement (et malgré ses cachets d’acteur). Car selon
Michel Briganti, auteur de sa biographie les spectacles du comique ne
permettent pas seuls de subvenir a la gestion et la taille de cette
salle représente un problème : seuls les spectacles débutants, à faible
budget et faible coût par place lui sont autorisés. Elle est pourtant
bien utilisée, on y donne des cours de théâtre, mais ils sont donnés par
le régisseur de scène de Dieudonné, Gilbert Sigaux, dit « Jacky », un
employé parmi les onze du staff de l’artiste, celui qui se rendra
célèbre en montant sur les planches déguisé en prisonnier juif, allant
remettre un prix au négationniste Faurisson. L’homme se dit
« libertaire », il est également le frère de Sotha Sigaux, la compagne
successivement de Romain Bouteille, Patrick Dewaere et Philippe Manesse.
Des ennuis financiers, dès 1998

Justement,
l’époque a bien changé, depuis l’époque de Romain Bouteille et son
irrésistible gouaille de titi parisien, et ce n’est guère tenable, la
période n’est plus au Café de la Gare de Coluche et Dewaere où les
clients payaient selon une roue de loterie, à l’entrée. Si les tournées,
beaucoup plus rentables car elles ont lieu dans de bien plus grandes
structures, s’arrêtent, c’est la catastrophe pour lui : or ces
déclarations sulfureuses lui en font prendre le chemin. La vente des DVD
rapporte mais pas autant que les tournées, car il faut bien aussi les
produire et les distribuer, ce dont il se charge également. La solution
est vite trouvée chez lui : dès 1997, Dieudonné fait l’impasse… sur le
paiement de ses impôts. Ça lui vaut déjà un premier (et lourd)
redressement fiscal en septembre 1998. Ses grands hangars de la Haye
achetés en 1994 servent toujours à faire des décors (une société de
production de films, « Mateanny », est à deux pas) mais deux de ses
entreprises, Merlin Editions et les Ateliers de la Ganasphère (celle qui
justement crée les décors) connaîtront la liquidation judiciaire dès
2004, dix ans après leur création. Le dirigeant Dieudonné
contestera plusieurs années de suite
le paiement de ses arriérés : c’est pourquoi on le retrouvera bien plus
tard, quinze années après, à devoir au fisc près de 887 000 euros. Le
tout portant sur ses revenus, et des impôts fonciers. Sur le revenu
entre 1997 et 2005, pour ses contributions sociales entre 1997 et 2003,
sur sa taxe foncière entre 2008 et 2009. Et encore, c’était bien plus
grave encore paraît-il : le fisc, selon des sources bien renseignées,
aurait réclamé au départ jusqu’à 2,7 millions d’euros (pour ses
sociétés) et 1,2 million d’euros à titre personnel ! Le côté social tant
prôné en politique n’aurait pas été appliqué chez Dieudonné chef
d’entreprise : la dualité est présente partout chez lui. L’homme est
double, c’est un peu le Docteur Jekyll et le Mister Hyde du show-biz, ce
qu’avait ressenti Libération dès sa tentative d’implantation de la
Moufle. Ce qu’il dit aujourd’hui, demain il dira le contraire… avec le
même aplomb ! Et les impôts ont eu plusieurs fois à s’en apercevoir : en
2008 ; on pouvait tomber sur encore un autre jugement
à propos de dissimulations diverses :
Manipulateur des esprits, mais aussi en gestion d’entreprise
Les 887 135,74 € euros concernent un ensemble immobilier conséquent lui appartenant, situé près de Dreux
, à Saint-Lubin-de-la-Haye, son
fief (électoral ?) Un ensemble de studios appelés « Bonnie Production »
(du nom de son premier enfant, sur les trois d’un premier mariage)
comprenant une salle polyvalente, des appartements, un hall industriel,
et des dépendances sur une surface totale de 1,46 hectare. Il contient
aussi un studio d’enregistrement, là où il mixe le son de ses vidéos
vendues en DVD. Une resucée de son projet de ferme avorté de 1999 ?
L’ensemble sera estimé et revendu un demi million d’euros quelques
années plus tard – à sa propre femme-, alors que les logements et le
studio d’enregistrement l’avaient donc nettement revalorisé. Il se
lancera aussitôt sur le thème de la persécution, alors que la somme ne
comprend encore pas sa maison personnelle, de taille conséquente, située
à Mesnil-Simon, près d’Anet. Pour se défendre, il affirmera benoîtement
»qu’à l’époque, c’était des francs.
Deux ans plus tard, on restructure l’entreprise et je rachète
l’entrepôt à titre personnel, ce qui n’était peut-être pas une très
bonne idée. Je le rachète au prix que mon entreprise l’avait acheté. Et
là, l’administration fiscale me dit, non, non, non, ça vaut 1,2 million
d’euros. » Or juridiquement, il venait d’avouer une grosse
erreur : en rachetant sa propre société, revalorisée, il aurait eu
logiquement des droits de mutations à régler (sur un bien d’environ de
500 000 euros ce qui doit représenter entre 25 000 et 35 000 euros),
déjà, voire effectuer un enrichissement personnel aux dépends de sa
société, considéré par le fisc comme un salaire déguisé, avec à la clé
la réclamation justifiée d’un impôt sur le revenu sur cette somme.
Adroit, Dieudonné avait trouvé une « explication », ou en avait préparé
une, en 2001, pour ne pas payer ses impôts.
En effet, le 21 août 2001 il avait
organisé dans son théâtre une conférence, réunissant pas
moins que le CLCVRS (le Collectif de Lutte Contre Les Violences
Racistes et Sexistes), le RDC (le Rassemblement pour la Démocratie et le
Civisme), le COFFAD (le Collectif des Filles et Fils d’Afrique
Déportés), et SUD PTT, Union Départementale de la Confédération
Syndicale des Familles (Guadeloupe), ainsi que le CERFOM (Centre
d’Études et de Recherche des Français d’Outre Mer pour protester de leur
exclusion à la Conférencde de Durban sur le racisme Ce jour-là,
l’habile comique avait en effet proposé… de geler une partie du montant
de ses impôts, « ouvrant ainsi la voie à une désobéissance civique au
long cours ». Le communiqué l’annonçant ajoutant que « pour l’avenir, la
création rapide d’un fond de solidarité où les contribuables épris de
justice pourraient consigner le montant de leur impôt sur le revenu, a
été annoncée. »Malin, très malin, puisqu’en cas de découverte, il aurait
alors pu invoquer une procédure… teinté de racisme !
De l’acharnement ? Même pas : de la mauvaise gestion avant tout

Lui
si prompt plus tard à fustiger les « banquiers juifs », a soit trop
joué au banquier personnel effectuant une cavalerie financière, soit a
tenté de leurrer le fisc, ce qui est toujours risqué, en étant en ce cas
très mal conseillé… fiscalement (2). Sur son compte Facebook, à
l’annonce de son redressement, il écrivait : «
Mensonges !
mensonges ! », en affirmant qu’il a « toujours déclaré (s)es revenus et
payé (s)es impôts en temps et en heure ». « Le pouvoir
politico-médiatique ne sait plus quoi faire pour me faire taire et
m’étouffer financièrement » avait-il alors clamé, malgré les
preuves contre lui comme quoi cela a démarré il y a plusieurs années, et
que ce sont ces non-réponses au fisc qui lui avaient valu une telle
somme à régler au final.
« Vous pouvez m’aider en envoyant vos dons »,
ajoutait-il, en indiquant les coordonnées nécessaires pour le paiement
par Internet ou par chèque… il clamera à peine quelques semaines plus
tard avoir déjà reçu 350 000 euros e ses fidèles, transformant ses
spectateurs … en adorateurs de secte. En fait son embarras financier
semblait bien réel. Son avocat expliquera alors qu’il n’avait en effet
pas de quoi régler la somme en raison des nombreuses annulations depuis
2003 :
« Lorsque les spectacles ont lieu, c’est bon. Mon client
encaisse du chiffre d’affaire. Mais quand c’est annulé, c’est une salle
en moins sur la tournée, donc des recettes en moins et des frais de
promotions qui ont été engagés pour rien. Et cela, on l’a connu à de
multiples reprises, à partir du sketch dans l’émission de Fogiel en
2003, où, derrière, il y a eu, dix-huit annulations de spectacles »…
bref, son propre avocat expliquait sa descente financière par ses
prises de positions extrêmes. sans évoquer d’autres entreprises, telle
Okepi Malin,
aux revenus assez médiocres (radiée depuis). Dieudonné, l’homme à la
grosse Mercedes, ne roulerait donc pas tant sur l’or que ça. Et roulait
aussi sans permis : L’humoriste sera condamné en 2008 par la 13e chambre
du tribunal correctionnel de Paris à 1500 euros d’amende pour cela.

Rien
ne sera dit en revanche sur les tentatives de l’artiste de se faire
financer ailleurs, ce qu’on expliquera un peu plus loin. Pour l’instant,
en 2002, ses revenus s’agrèmentent de ceux du cinéma : cette année-là,
sort le fort réussi Astérix et Cléopâtre, d’Alain Chabat, dans lequel il
fait une apparition courte, mais remarquée en Caius Céplus déclamant
l’hilarante tirad
e devenue citation culte « nul ne peut bafouer l’empire romain ! Quand on l’attaque, l’empire contre-attaque ! » A remarquer que celui qu’il étrangle dans la scène, s’appelle
« le centurion Antivirus », que lui s’obstine à appeler…
« centurion Affaire Dreyfus »…
aurait-il participé lui-même à la réécriture des dialogues ? Il est
intéressant de constater qu’en ce cas c’est ce nom qui lui serait venu à
l’esprit en premier !
Une spirale financière insoluble
Dieudonné vit donc déjà en 2002 sur la corde raide financièrement (en
plus il a des procès à répétions, ce qui s’avère toujours frayeux), ce
qui ne l’empêche pas de postuler pourtant aux présidentielles de 2002
« dans « le courant d’action de Coluche » avait-il précisé. En ajoutant au passage qu’il serait toujours de gauche :
« …
je reste convaincu que la droite c’est le passé. Aujourd’hui, on ne
peut pas être du parti des conservateurs dans un monde en perpétuelle
évolution. La gauche c’est le présent, c’est les forces progressistes.
Mais je crois que quelque chose de nouveau est à construire. Je crois
comme Cohn Bendit à une troisième gauche verte. » De la chemise
verte, il va rapidement passer à la chemise brune, en réalité. On a vu
qu’il s’était défaussé au dernier moment : il avait dit avoir 300
signatures sur 500, pourtant. Selon un biographe, c’était nettement
moins. Son renoncement des présidentielles et ses échecs répétés en
politique, associés à ses déboires financiers, ont provoqué chez lui une
rancœur certaine, et une paranoïa naissante qui ne va que ce renforcer.
Tout le monde s’accorde à le dire : ses échecs politiques ont fait de
Dieudonné un personnage devenu passablement rancunier. Car on l’avait
bien senti dans Lyon Mag, Dieudonné à trouvé la solution à tous ces
malheurs : c’est la faute, bien sûr aux banquiers (et aux
« francs-maçons » :
voilà une pensée qui nous ramène à l’entre deux guerres vichyssoise).
Des banquiers juifs, bien entendus : c’est un propos qui date, pour sûr.
Dieudonné, présenté comme le comique du (nouveau) siècle par ses
admirateurs fait dans le mauvais théâtre de propagande antisémite de
l’entre-deux guerres…
Le boute-feu des banlieues

L’homme
politique qui sommeille toujours en lui a bien senti quel intérêt il
pouvait tirer à continuer sur la même pente : aux jeunes maghrébins de
banlieue qui voient les palestiniens subir l’occupation israélienne, il
est celui qui la dénonce avec force : un sondage auprès de ces
spectateurs-là montrera qu’ils ne perçoivent même pas chez lui
d’antisémitisme : le plus souvent, hélas, ils baignent dedans chez eux,
abreuvés par les chaînes TV du Hamas ou du Hezbollah. Chez les jeunes
noirs ; il est celui qui leur rappelle que les immigrés ont subi de
terribles souffrances qui demandent réparation, ou qui leur rappelle les
délits de fasciès de tous les jours que leur impose la Police. Des
esclaves aussi de la société de l’apparence. Sur scène, il met en
spectacle la politque, et en politique il joue au saltimbanque :
Dieudonné a trouvé sa voie, celle de la politique spectacle auxquels les
français ne sont pas encore habitués : Sarkozy n’a pas encore
transformé chacune de ses sorties de l’Elysée en show médiatique (avec
de faux cameramen à ses trousses pour inciter les vrais à venir en
masse, ce qui sera prouvé après son départ !). Sur les plateaux
télévisés, invité en showman, il va donc jouer à l’homme politique, et
inversement. C’est une fuite en avant, dans laquelle il lui faut tenir
des propos la veille et dire le contraire le lendemain, ce qui ne le
gêne en rien à vrai dire, mais c’est la seule porte de sortie qui lui
reste désormais à trop avoir mélangé les genres et trop lorgné du côté
de l’extrême droite antisémite en continuant à se présenter entre deux
spectacles comme étant un homme politique toujours de gauche. Sarkozy
fera sa célèbre visite d’Argenteuil… mauvais souvenir pour lui. Et une
petite phrase
restée fort célèbre sur le « Karcher »…
Salut nazi et appel à la sedition chez Fogiel, le premier scandale

Ce
leit-motiv ne va plus le quitter, jusqu’au moment de son éclatement en
vol, qui se produit un soir dans l’émission de télévision d’Olivier
Fogiel On ne peut pas plaire à tout le monde du 1er décembre 2003. Ce
soir là, déguisé en « extrémiste juif » encagoulé et en
treillis, Dieudonné avait appelé les jeunes des cités à la révolte :
« j’encourage les jeunes gens qui nous regardent aujourd’hui dans les
cités, pour leur dire : convertissez-vous comme moi, essayez de vous
ressaisir, rejoignez l’axe du bien, l’axe américano-sioniste »
avait-il dit devant un Fogiel hilare en présence de Djamel Debouze
hilare (et particulièrement absent !). Un Fogiel qui va vite sourire
jaune, indiquant que le sketch improvisé, mal écrit et mal lu a été
écrit juste avant de venir sur le plateau et présenté comme simplement
« borderline ». Un « borderline » qui fera le salut nazi, attribué à son
personnage de colon israélien cagoulé porteur du chapeau des juifs
orthodoxes. L’animateur sera tancé par sa direction (et perdra son
procès contre Dieudonné pour son faux appel sur SMS), et Dieudonné
devenu « tricard »à tout jamais sur la télévision, de nature
consensuelle. Cela s’ajoutait en fait à une déclaration préalable dans
la magazine l’Echo des Savanes, où il avait affirmé que
« Ben Laden
restera dans l’histoire, sa notoriété est internationale et
indiscutable. Pour moi, c’est le personnage le plus important de
l’histoire contemporaine [...] Il est seul contre la plus grande
puissance du monde ». « Donc forcément cela impose le respect. Je
préfère le charisme de Ben Laden à celui de George W. Bush ».
Adroit, ou cette fois bien conseillé , il gagnera son procès contre
Fogiel, car ce dernier avait laissé passer un bandeau affichant l’avis
d’un internaute en direct qui sera assimilé à une diffamatiion de
l’invité ! Bref, Dieudonné, qui s’était présenté il y a peu comme mené
par les Droits de l’Homme, venait à deux reprises de faire l’apologie du
terrorisme. Il sera poursuivi pour apologie de ce terrorisme mais sera
relaxé en 2004.

L’émission
de Fogiel, et son improvisation totale, a révélé l’inconscience totale
du personnage, qui ne se rendait pas compte qu’il venait de scier la
branche médiatique sur laquelle il était assis. Jamais plus on ne
l’inviterait sur une télélvision nationale, c’était évident : la
télévision ne peut se le permettre tous les jours. L’une après l’autre,
ses tournées allaient faire des flops successifs : au lieu de faire
rire, le comique commençait sérieusement déjà à faire peur. Une dualité
assez perverse allait aussitôt s’installer, car on ne peut négliger
aussi le fait que certaines salles seront quand même bien remplies de
personnes venues voir « l’exclu » des médias mainstream ! En 2005, les
banlieues françaises qui brûlent et qu’attisera une rivalité
Sarkozy-Villepin à coup de couteaux dans le dos, effraieront plutôt le
public qui se retournera contre ceux qui ont bouté le feu les deux
années précédentes… dont Dieudonné. Cela ne le vaccinera en tout cas
personnellement en rien. Tout au contraire : retors, il présentera à ses
adeptes d’autres versions de l’Histoire, revue et corrigée par ses
soins : relue avec les mêmes lunettes déformantes que celles utilisées
jadis pour fabriquer jadis le film le Juif Suss. Dieudonné, présenté
comme innovant, ne fait que ressacer de vieilles rengaines.
Dieudonné, le retourneur de problèmes

Dieudonné
possède l’art de retourner comme un gant les critiques. Juste après
l’épisode Fogiel, au lieu de de la jouer moderato, il repart à nouveau
en vrille sur scène avec l’énergie dont il est capable, et qui en a
étonné plus d’un. Le Parisien et Hubert Lizé relatent ainsi son nouveau
spectacle qui débute par un bras d’honneur :
« Dieudonné s’excuse …
pour de faux. ?Le spectacle s’ouvre sur la voix de Marc-Olivier Fogiel
dénonçant dans son émission le désastreux sketch du « rabbin nazi » dont
la diffusion sur Franœ 3 avait fait scandale en décembre der nier. Puis
Dieudonné apparaît dans un coin de la scène, courbant l’échine sous des
coups de fouet imaginaires. « Je m’excuse, oh peuple élu ! J’ai
merdé… » L’humoriste relève la tête et rompt cette courte séance
d’autoflagellation d’un vigoureux bras d’honneur. Le ton est donné. Dans
« Mes excuses », le one-man-show inspiré de la polémique qu’il a
soulevée avec son sketch jugé antisémite, Dieudonné, devant un public
acquis qui remplit chaque soir les 250 places du Théâtre de la
Main-d’Or, revient sur l’affaire sans émettre de de vrais regrets. Il le
fait avec talent, déployant les qualités de comédien, le sens de la
formule, l’art des mimiques et l’efficacité dans l’humour qu’on lui
connaît. Les spectateurs rient beaucoup. Il le fait aussi en allant très
loin dans la dérision et la provocation, au risque de conforter ceux
qui l’accusent de déraper. Par exemple, lorsqu’il voue aux gémonies ses
bêtes noires : BHL, Patrick Bruel, le philosophe Alain Finkelkraut, son
ex-compère Elie Semoun, qu’il dépeint comme alliés du sionisme et
d’Israël. Ou encore quand il décrit (pour rire) son fameux sketch comme
un coup de pub savamment orchestré : « Tu achètes un chapeau mou dans un
magasin farces et attrapes, tu sort trois petites vannes un peu
pourries à la télé, et là, bingo ! » Bref, il récupère, digère,
malaxe et ressort dans l’autre sens : c’est lui la victime, bien sûr
d’un showbiz « aux mains des juifs »…. Il est désormais dans la
provocation constante, ce qui lui vaut aussi un public… qui ne sait pas
raisonner et n’apprécie que le « buzz » à répétition.
La dérive Dieudonné
« Dieudonné
dénonce le climat de censure qu’il sent monter contre les humoristes et
pointe du doigt le racisme contre les Noirs. II dit qu’il en a assez
d’avoir « toutes les communautés sur le dos ». II crie son ras-le-bol
des frontières et des civages religieux. Ceux qui approuvent son combat
seront convaincus. Ceux qui s’en méfient resteront sur leur
impression, » conclut l’article du Parisien. C’est bien ça tout le
problème : Dieudonné ne convainc déjà plus les incrédules. Dans sa
salle, se présentent désormais des spectateurs qui veulent entendre
casser du juif comme lors d’un meeting de Mégret ou d’un Fabrice Robert.
L’ancien, gauchiste, l’ancien vert, joue désormais en priorité pour
faire rire les troupes du «
marabout borgne » de jadis.
Paradoxe des temps modernes attirés par les provocateurs, certains se
pressent donc aussi pour aller le voir dans la minuscule salle débiter
des sentences antisémites à la chaîne. On se serre, on s’agglutine pour
l’entendre, serré contre la minuscule scène.

Le théâtre de la Main d’Or arbore parfois des relents troubles de
taverne munichoise. Pas sûr même qu’il s’en rende vraiment compte ;
Dieudonné est déjà sur une autre planète, qui explique tous ses malheurs
par la présence d’un seul nom : les juifs, que lui appelle
« sioniste », pour faire plus moderne. Ou pour lui éviter des ennuis
judiciaires. Arborant la posture du malheureux persécuté, Dieudonné est
aussi devenu très méfiant. Plus tard, il joindra le double langage au
geste, en se fabriquant un salut nazi déguisé qu’il expliquera comme
étant un
fist-fucking jusqu’au
bras, l’homme pratiquant toujours un humour de fort mauvais goût plus
que de coutume. A Libération il avouera que son geste signifiait »
l’idée de glisser [sa] petite quenelle dans le fond du fion du sionisme ». Traduisez «
sodomiser les juifs » selon les critères linguistiques établis par l’artiste lui-même. «
Sur son site, Dieudonné
compile les photos de quenelles, mêlant habilement clichés de Monsieur
Tout-le-monde et images explicitement antisémites. Faire une quenelle en
plein milieu du mémorial de la Shoah à Berlin n’a rien d’un acte
anodin. Mais, noyé au milieu des autres, il est banalisé » note avec un certain
écœurement Sud-Ouest.
Tous les fans de Dieudonné font désormais le geste… présenté comme
antisémite par Dieudonné en personne (chez lui sioniste=juif, on le
rappelle). En ignorant tous que le nom possède aussi une origine…
juive. .
« Le mot quenelle viendrait de l’allemand knödel ou knoffle
ou encore en yiddish de quenape, petite boule de pâte » nous dit en
effet le Grand Larousse Universel (certains y ajoutent l’anglo-saxon
« knyll » qui signifie « piler », « broyer »).
La culture est bien ce qu’il manque le plus à Dieudonné et a sa
clientèle… Cela on va s’en rendre compte encore davantage avec une autre
croisade que va entreprendre Dieudonné, à propos de la Traité des
Noirs, son nouveau sujet de prédilection….
(1) La filmographie de Dieudonné est loin d’être grandiose. Pas de
quoi lui permettre d’amasser des fortunes en effet ! On note :
De petites apparitions à la télévision dès1991 : chez Marc et Sophie, et
chez Maguy, de Stéphane Barbier et Guy Gingembre et en 2002 et 2003
dans Caméra Café de Bruno Solo.
Au cinéma, on trouve :
1996 Didier, d’Alain Chabat comme commentateur sportif
1997 Le Déménagement, d’Olivier Doran (tourné en 1996) où il joue Sam
1998 Le Clone, de Fabio Conversi (tourné en 1996) : dans le rôle de Léo
1999 Le Derrière, de Valérie Lemercier, où il est Francis
2000 Vive Nous, de Camille de Casabianca : il y joue Bruno
2000 Une famille très ordinaire, de Julius Amédée Laou
2000 Voyance et manigance, d’Eric Fourniols : où il est Le mage Alban
2000 H.S., de Jean-Paul Lilienfeld (premier rôle) : c’est Marchand
En 2001 on a un vrai OVNI du cinéma : Philosophale, de Farid Fedjer ; le
film le plus raté au monde, très certainement. Des fautes
d’orthographes partout dans le livret, des acteurs qui ne jouent pas ou
jouent cimplètement faux, une actrice décrite comme
« une pétasse à la fesse accueillante », et qui «
en a dans le cigare » ; et des dialogues fu genre
« quand t’auras sucé mon jonc pendant 30 jours, tu prieras pour de la quéquette », et
Il y a même une histoire… de nazis, dans une recherche de pierre
philosophale pour fabriquer le 4ème reich… bref, un navet de taille
géante. Assez voisin, finalement, de ce qu’il réalisera lui-même plus
tard.
2002 Astérix et obelix, Mission Cléopatre, d’Alain Chabat (tourné en 2001) : Caius Céplus
2004 Casablanca Driver, de Maurice Barthélemy : où il est Bob Wise , reconnaissable à ses cheveux démesurés.
2004 Les 11 commandements, de Mickael Youn : ou il est bien sûr « le Dieu de la blague »…
2005 La Méthode Bourchnikov de Grégoire Sivan (court métrage de 13 minutes).
Cela ne compte pas ses documentaires, sans aucun intérêt. En somme, à
part le film de Chabat sur Cléopâtre, rien de folichon, et surtout rien
depuis… 2004 comme rôle plus ou moins important : qui a dit tricard
aussi dans le cinéma ?
(2) C’est ce qu’avait remarqué la Tribune de Genêve pour son
collègue Bruno Beausir alias Doc Gyneco : « Mal renseigné », il « ne
savait pas ». Voici ce que Doc Gyneco a dit au tribunal, fin octobre
2008, avant d’être condamné pour ne pas s’être acquitté de 356.000 euros
d’impôts entre 1999 et 2000. Le rappeur, qui a soutenu Nicolas Sarkozy
en 2007, n’a pas toutefois été la cible d’amende, puisqu’il avait déjà
rembourse la somme et les arriérés pour un montant total de 780.000
euros. »
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